B comme Bombay, B comme un Baiser (ou pas!)
Il fait chaud a Bombay, et humide… Au bord de la mer, une légère brise marine vous caresse, un doux sentiment de liberté, d’exaltation vous envahit. Si une élégante vous accompagne, vous vous laisseriez bien aller a l’embrasser…
SSSSTTOOOPPPPP !!! Malheureux, ne commettez pas l’irréparable !
« Un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé », nous disait l’autre, qui en savait long sur la question. Pas de doute, il se serait plu à Bombay, ou la pudibonderie le dispute a la frénésie sexuelle (un des nombreux aspects qui rapprochent la société indienne de la période victorienne, ce qui est, quand on y pense, assez ironique). En effet, quelque soit les verrous culturels en place, la jeunesse dorée ne s’embarrasse plus, ou de moins en moins, de manières. Les couples se font et se défont, le sexe avant le mariage se développe (d’après un article récent du Times of India), les « fuck buddies » (copains de baise) sont de plus en plus répandus, et les quartiers « chauds », bien qu’ayant souffert de la fermeture des « dancing bars », n’ont pas perdu toute leur vigueur.
Pourtant, jamais vous ne verrez de couples s’embrasser dans la rue. Le tabou est si fort que se tenir la main peut poser problème, comme l’ont découvert un couple d’amis abordés par la Police : « No romance, no romance ! ».
Il est vrai qu’en Inde, les « Démonstrations publiques d’affection » sont des atteintes à la loi, et peuvent vous valoir jusqu'à 3 mois de prison. L’acteur Richard Gere en sait quelque chose : lors d’un spectacle (qui au passage, était censé promouvoir parmi les routiers indiens les vertus du « safe sex »), l’acteur américain embrasse étourdiment l’actrice indienne Shilpa Shetty. Il fallut rien de mois qu’un arrêté de la Cour Suprême Indienne pour annuler le mandat d’arrêt levé contre lui… Certaines personnes ont même brûlé des effigies de l’acteur !
Même le mariage ne vous protège pas de ces restrictions : un couple d’Israéliens, qui s’étaient embrassés a l’issue de leur mariage ( !) furent condamnés a une amende, symbolique, certes, mais tout de même, de 22$.
Et il n’y a pas si longtemps, sur l’avenue la plus « hype » (et l’un des rendez-vous des jeunes couples) de Bombay, Marine Drive, il était interdit aux couples de s’asseoir face a la mer, de peur qu’ils n’arrivent à dissimuler ainsi des comportements trop intimes !
Il se pourrait cependant que les choses évoluent dans le bon sens. La semaine dernière, un couple (marié…) arrêté pour s’être soi-disant embrassés a été innocenté par le juge de la Haute-cour de Delhi. Le juge a même déclaré qu’il était inconcevable « qu’une expression d’affection par un jeune couple marié puisse tomber sous le coup d’une accusation d’obscénité, et déclencher le processus coercitif de la loi ».
Le plus fou est que l’histoire de l’Inde n’est pas si chiche en « démonstrations publiques d’affection ». Le Mahabharata, le fameux poème épique indien, est vraisemblablement la plus vieille référence écrite à un baiser, entre -3000 et -1500 avant JC (attention, cela ne veut pas dire que les Indiens étaient les premiers a s’embrasser, tout le monde sait que ce sont les français qui ont inventé le baiser :D). Les écrits védiques sanskrits, eux aussi, font référence aux baisers.
Dans le Kama Sutra, cette épopée de l’amour, Vatsayana consacre un chapitre entier au baiser, et en dénombre pas moins de 30 sortes (le baiser simple, droit, tourné, courbe, pressé, palpitant, touchant…)
Quant au premier baiser dans un film de Bollywood, il date de… 1933 ! Dans un film intitule Karma, l’actrice principale est colle aux lèvres de son partenaire acteur (et mari dans la vraie vie) pendant rien de moins que… 4 minutes !
Alors d’où vient cet étrange tabou contre le baiser ? Est-ce une sorte de rejet des habitudes dégoutantes et antihygiéniques de nous autres occidentaux ? Une réaction jalouse de religieux célibataires ?
Ou peut-être une réticence des femmes, car ce n’est « pas drôle de baiser des lèvres moustachues » !